Des femmes assistent à la qualification de l'Iran pour le Mondial-2022
Des femmes ont été autorisées jeudi pour la première fois depuis plus de deux ans en Iran à assister dans un stade à un match de football, qui a vu la sélection iranienne se qualifier pour le Mondial-2022 après sa victoire contre l'Irak.
"C'était parfait, maintenant nous sommes aphones, notre voix s'est envolée", ont déclaré à l'AFP Kimia et Hasti, ravies, deux étudiantes présentes au stade Azadi de Téhéran.
Sous leurs yeux, l'Iran a validé son billet pour la sixième phase finale de Coupe du monde de son histoire grâce à son succès contre le voisin irakien (1-0). "Nos joueurs ont très bien joué par ce temps" froid, ont ajouté les deux jeunes filles.
Après la rencontre et bravant un froid intense, les habitants de la capitale, certains portant sur leur dos leurs enfants emmitouflés, ont entonné des chants en brandissant des drapeaux, tandis que des feux d'artifice ont été tirés au-dessus du stade.
"C'était notre première fois au stade, mais nous espérons que nous pourrons également assister aux matchs du Persepolis FC et de l'Esteghlal FC", deux des meilleures équipes du pays, espère un groupe de trois filles en liesse. Selon elles, "la présence des femmes a définitivement eu un impact sur le résultat du match."
- Entrées séparées -
Depuis environ 40 ans, la République islamique interdit généralement l'accès des stades aux spectatrices, notamment pour des matches de football, les autorités estimant qu'elles doivent être protégées de l'atmosphère masculine et de la vue des hommes partiellement dévêtus.
En septembre 2019, la Fifa, instance dirigeante du football mondial, avait ordonné à l'Iran de permettre aux femmes d'accéder sans restrictions aux stades. Un mois plus tard, elles avaient pu assister à Téhéran au match de qualification pour le Mondial-2022 opposant l'Iran au Cambodge.
Elles étaient alors séparées des hommes et surveillées par des policières. Mais depuis, les matches de l'équipe nationale se sont tenus à huis-clos en raison des restrictions liées au Covid-19.
Jeudi, les femmes ont pénétré dans le stade par une entrée spéciale via un parking où des policières en tchador avec un badge rouge sur le bras contrôlaient les arrivantes. Les hommes y ont accédé par une autre entrée.
"J'aurais voulu que mon mari soit avec moi mais ils nous ont dit que les hommes et les femmes doivent être séparés", assurait avant le match Golnaz, 24 ans, son enfant dans une main et une vuvuzela (une sorte de trompette) dans l'autre.
"Vraiment, ça n'a rien d'étrange, ni de compliqué pour une femme de venir au stade. Cela aurait dû arriver plus tôt mais je suis très heureuse et j'espère que cela va continuer et que je pourrai assister à des matches de championnat", a-t-elle dit, joyeuse.
- Espoir -
Le groupe de supportrices iraniennes a été placé derrière le but de l'équipe irakienne et les hommes dans une autre partie du stade.
S'ils sont bien séparés, les spectateurs, hommes et femmes ont soutenu à l'unisson l'équipe nationale en faisant entendre leur voix tandis que la poignée d'Irakiens a du mal à se faire entendre.
Dix mille billets, dont deux mille réservés aux femmes, étaient disponibles pour ce match, a rapporté l'agence ISNA.
L'intervention de la Fifa ordonnant à l'Iran d'ouvrir les stades aux femmes survenait après le décès d'une supportrice, Sahar Khodayari, qui s'était immolée par le feu devant un tribunal par crainte d'être emprisonnée pour avoir voulu assister à un match.
Surnommée "Blue Girl" en raison des couleurs du club qu'elle soutenait (Esteghlal FC), elle avait tenté de pénétrer dans un stade alors qu'elle était déguisée en garçon.
Sa mort avait provoqué un tollé, beaucoup appelant à l'interdiction de l'Iran aux rencontres internationales et au boycott des matches.
La Fifa faisait pression depuis des années pour que l'Iran ouvre ses stades aux femmes, mais Téhéran n'avait jusqu'à 2019 autorisé qu'en de rares occasions un nombre limité d'entre elles (au maximum un millier de supportrices en novembre 2018) à assister à quelques rencontres.
Les matches entre l'Iran et l'Irak ont toujours un écho très puissant dans la population en raison de la guerre qui a opposé les deux pays de 1980 à 1988 faisant un million de morts et des destructions considérables.
E.Mancini--IM